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Allocution d'Ouverture du 22eme Séminaire International
Sur la Sécurité Globale


 
Madame le Ministre Michèle Alliot-Marie
Ministre de Defense de la Republique Francaise

C’est pour moi un honneur d’ouvrir la vingt-deuxième Session du Séminaire International sur la Sécurité Globale. Je souhaite la bienvenue en France à tous les participants venus d’Amérique du Nord et de toute l’Europe.  

Je tiens à remercier le Docteur Weissinger-Baylon qui, depuis de nombreuses années, anime l’IWGS avec beaucoup de charisme et d’intelligence et sait rassembler dans un cadre amical les principaux responsables civils et militaires des questions stratégiques. A un moment où nous faisons face à des crises multiples, durables et complexes, ce séminaire annuel nous offre l’occasion de confronter nos idées sur les grands thèmes de la sécurité et de la défense. 

LA CONSTRUCTION EUROPEENNE

L’avenir de la construction européenne a tendance aujourd’hui à susciter un certain pessimisme. 

Je tiens à rappeler ici que la France reste très attachée à la poursuite et à l’approfondissement de la politique européenne de sécurité et de défense. Aux côtés de l’Alliance atlantique, elle demeure un instrument indispensable pour notre sécurité et pour faire face aux crises actuelles et futures. 

Poursuivre le développement de l’Europe de la défense nécessite toutefois un intérêt et un effort accru des Européens, notamment en matière de capacités. La capacité et la volonté de la France de faire avancer la politique européenne de sécurité et de défense est toujours aussi absolue. 

Après les deux « non » consécutifs en réponse aux référendums de la France et des Pays-Bas sur le projet de Constitution européenne, l’Europe se retrouve incontestablement affaiblie. 

Il n’est pas question de renoncer ou de baisser les bras. Baisser les bras n’est pas dans mon état d’esprit. Cela ne sert à rien. Depuis cinquante ans que nous avons commencé à construire l’Europe, nous avons dejà rencontré des difficultés, voire de grandes crises. Celles-ci ont toujours été surmontées. C’est parfois même des crises que sont nées les grandes étapes de l’aventure européenne. 

La situation actuelle ne met un terme ni à notre capacité ni à notre volonté d’avancer. C’est normal, nos opinions publiques nous demandent d’avancer. Vous pouvez compter sur mon engagement personnel. Récemment, j’ai moi-même fait campagne activement pour le « oui » au référendum, et une chose m’a frappée: la défense est le domaine qui recueille un consensus, comme si nos concitoyens étaient convaincus que face aux dangers du monde actuel, seule une défense européenne pouvait leur servir de garantie. Il est vrai que depuis trois ans, la défense est le domaine dans lequel l’Europe a le plus avancé. 

Nous avons déjà pris depuis quelques années toute une série d’initiatives politiques importantes: 

  • Nous avons créé l’Agence de défense européenne en juin 2004.  
  • Nous avons commencé, après les terribles attentats de Madrid, à mettre en oeuvre la clause de solidarité et de défense face à la menace terroriste. Car si elle était bien inscrite formellement dans le texte constitutionnel, elle l’est aussi dans la réalité. 
  • Les groupements tactiques 1500, auxquels participent les 25 pays membres de l’Union européenne, la Force de gendarmerie européenne, la cellule civilo-militaire, le Collège européen de sécurité et de défense, les opérations militaires de l’Union sont d’autres avancées majeures que rien ne remet en cause. Il s’agit de décisions concrètes et d’avancées majeures qui sont en train d’ être mises en oeuvre. Personne ne les remet en cause. 

Ces résultats obtenus en peu de temps doivent nous inciter à poursuivre avec détermination notre engagement. De même, les grands programmes européens se poursuivent aujourd’hui, malgré le « non » au référendum. En quelques années seulement, nous sommes passés des paroles aux actes, des déclarations aux opérations. L’engagement de la France pour la PESD demeure intact. Il ne nous fait pas pour autant oublier l’importance du partenariat transatlantique.  

UE ET OTAN: UNE COLLABORATION INDISPENSABLE

Plus que jamais, au vu de ce qui se passe dans le monde, la coopération entre l’Union Européenne et l’Alliance Atlantique est indispensable. 

Nous avons tous des enjeux communs entre Alliés et membres de l’Union Européenne. Ils reflètent la persistance et l’internationalisation de la menace terroriste et de l’instabilité qui se répand dans de nombreuses régions du monde. La menace terroriste peut frapper chacun d’entre nous. Nous voyons se multiplier les risques de crises, en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est. Ces continents ou sous-continents feront sans doute fuir des populations qui émigreront vers d’autres pays, non plus seulement par dizaines de milliers mais peut-être par millions. Ce sont nos vies sociales qui peuvent en être affectées. Ces crises peuvent aussi avoir des répercussions importantes sur la croissance mondiale. 

Ces enjeux justifient une coopération approfondie, à l’image de la coopération exemplaire qui existe entre l’Union et l’Alliance dans les Balkans, où coexistent des opérations militaires des deux organisations et un engagement civil et de sécurité de la part de l’UE.

En matière de sécurité et de défense, les moyens européens et américains se complètent et se renforcent mutuellement. Ils doivent nous permettre de nous concerter et d’agir ensemble au règlement des nombreuses crises internationales.  

Face à la diversité des menaces et des crises actuelles, il importe de raisonner en termes de complémentarité dans l’action entre Américains et Européens. Chacun d’entre nous a des atouts spécifiques, des liens particuliers avec certains acteurs régionaux, des méthodes de gestion de crises propres et différentes.  

En fonction des situations, nous pouvons grâce à cette diversité choisir d’agir tantôt dans le cadre de l’Alliance, tantôt dans celui de l’UE avec les moyens de l’OTAN, ou encore de façon autonome. Ce sont les trois cas de figure qui permettent de répondre aux crises, et en cette période de crises et de conflits qui demandent plus de réactivité, nous avons besoin de tous nos moyens. Et je trouve inutile tout esprit de concurrence entre l’Union Européenne et l’OTAN. 

C’est une question d’opportunité politique et de disponibilité des moyens. L’important est d’assurer une grande flexibilité dans l’utilisation des moyens militaires, qui sont pour la plupart nationaux. C’est bien la raison pour laquelle la France appuie la transformation en cours des structures de l’OTAN vers plus de souplesse et de réactivité. Nous entendons continuer à en être l’un des principaux acteurs. 

REPENSER LES BUDGETS D'ARMEMENT EUROPEENS

Si les actions de l’Alliance et de l’Union en matière de gestion des crises sont complémentaires en termes de moyens, les Européens doivent néanmoins accroître le volume et la disponibilité de leur contribution à la sécurité internationale. Je le dis très clairement: nous devons revoir nos propres budgets d’armements. 

C’est dans cette perspective que l’Europe doit renforcer ses capacités militaires, en s’appuyant sur une industrie de défense solide et compétitive. 

L’industrie et les technologies de défense doivent faire l’objet d’un investissement accru de la part des Etats européens. En Europe, on a tendance à considérer—les opinions publiques, les syndicats, les ministères des finances—que les dépenses de Défense serait de l’argent perdu par rapport aux autres besoins. Or on ne prend pas suffisamment en compte le fait que ce secteur représente 4 à 5 millions d’actifs. Les pays européens, qui dépensent environ 160 milliards d’euros par an pour leur défense, n’ont pas suffisamment conscience du potentiel économique qu’elle représente.  

Nos dépenses de défense demeurent trop éparpillées. Notre industrie européenne souffre d’un manque d’action collective. Les Européens ont besoin de davantage travailler ensemble pour dépenser au mieux leurs ressources et mettre en commun leur recherche et leur savoir-faire face à la compétition internationale. Nous devons encourager les programmes de toutes tailles menés en coopération par plusieurs Etats membres et favoriser les rapprochements entre les entreprises. 

C’est comme cela que nous éviterons une concurrence inutile et serons capables de faire face à la concurrence. C’est le sens de la coopération européenne sur le drone de combat Neuron ; lancée par la France il y a deux ans, cette initiative fédère les gouvernements et les industriels autour d’un projet technologique majeur. 

Nous devons également accroître nos investissements en faveur des capacités futures. Face aux nouvelles menaces représentées par le terrorisme de masse et la prolifération d’armes de destruction massive, nous devons être en mesure d’anticiper les risques et être à un niveau technologique face aux ennemis de nos valeurs. 

Nous avons en face de nous des gens qui sont en train de faire des progrès considérables: il existe ainsi des laboratoires capables de produire des armes chimiques ou biologiques. Pour anticiper ces risques, les Européens doivent augmenter leurs capacités d’observation et d’écoute spatiale, en complément des moyens dont les Etats-Unis disposent. Le secteur spatial représente une priorité que j’entends souligner auprès de mes homologues européens, après le succès du lancement du satellite Hélios II et celui à venir de Syracuse III. Le spatial nous permettra aussi d’optimiser l’action de nos forces déployées sur des théâtres lointains. 

Nous nous sommes fixés un objectif global 2010, axé tout particulièrement sur trois domaines essentiels pour renforcer nos capacités à agir ensemble : l’interopérabilité, la déployabilité et la capacité à soutenir nos forces projetées dans la durée. Il est essentiel d’y ajouter le spatial. 

L’Agence européenne de défense est un outil précieux pour nous permettre de relever ce défi. Fortement soutenue par les industriels européens, elle offre une nouvelle impulsion en matière de développement des capacités européennes. Elle doit nous permettre de promouvoir les coopérations en matière de recherche et de programmes.  

Après son lancement effectif en quelques mois, il appartient désormais à ses responsables de passer  à  une phase de réalisations très concrètes avant la fin de l’année. Avec mes homologues, nous avons ainsi choisi quelques domaines prioritaires pour ces futurs travaux, dont les drones et les véhicules de combat blindé futurs. 

L’Agence jouera un rôle important pour développer les capacités futures. Il appartient à chaque Etat membre de lui apporter un concours effectif et de l’insérer dans son propre dispositif capacitaire. 

CONCLUSION

La Défense est devenue un volet majeur parmi les politiques communes, peut-être celui qui avance le plus vite et le plus efficacement. Nous devons faire en sorte que cela reste le cas dans les années à venir. Soyez sûrs que la France s’y investit totalement. Les attentes de nos partenaires, comme de nos opinions publiques, sont fortes en la matière.

Les Européens croient à l’Europe dans le domaine de la défense, les débats sur la constitution l’ont montré. Il nous revient de savoir y répondre. A nous d’y répondre en poursuivant la construction européenne par des étapes concrètes et visibles. 

 

 

 

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